Karim Benzema et l'oeil des formateurs
Auteur de 21 buts cette saison toutes compétitions confondues avec le Real Madrid, Karim Benzema est également devenu un "pion" essentiel chez les Bleus depuis l'arrivée de Laurent Blanc. A seulement 23 ans, l'ancien "Gone" fait désormais partie des attaquants reconnus en Europe. Si ses qualités ont sauté aux yeux du grand public lors de son passage à Lyon, ses premiers entraîneurs, Patrick Paillot à l'OL et Philippe Bergerôo avec la sélection U17 (photo en 2004), se souviennent d'un jeune homme travailleur, malin, qui a su saisir sa chance et se remettre en question.
Pour évoquer le parcours de Karim Benzema, il est inévitable de se tourner vers la ville de Lyon. Natif du Rhône, le jeune attaquant y a fait toutes ses classes. A l'OL, un homme, Patrick Paillot, n'a pas oublié le joueur qu'il a eu sous ses ordres en U18, mais qu'il connaît depuis ses débuts. Entraîneur-formateur dans le club rhodanien, il s'en souvient parfaitement : "Cette promo "87", je la suis depuis les débutants car mon fils, Sandy (NDLR : aujourd'hui à Grenoble Foot) y était présent" avance t-il. Si tout le monde loue le potentiel de l'avant-centre des Bleus aujourd'hui, le parcours de Karim Benzema n'a pas toujours été rectiligne: "Jusqu'à 15 ans, c'était un joueur tout juste moyen, voire emprunté" admet sans détour son ancien entraîneur. "Il n‘était pas l'athlète que l'on connaît maintenant. Il avait une bonne technique mais manquait de vitesse". Entouré de joueurs comme Hatem Ben Arfa, Anthony Mounier ou encore Loïc Rémy, il est n'est pas l'attaquant numéro 1 dans la hiérarchie, devancé notamment par Julien Faussurier, actuellement à Troyes (L2), présenté comme "plus dynamique et performant". Les techniciens lyonnais s'interrogent alors sur la suite à donner à ce joueur : "Des doutes ont été émis quant à sa capacité à aller plus loin, à percer au plus haut niveau" concède-t-il.
Pourtant, en une seule année, la métamorphose s'opère et le jeune joueur alors âgé de 16 ans se transforme complètement : "Depuis mes débuts dans la formation, j'ai rarement vu un joueur développer des qualités physiques aussi tard, c'est unique" explique Patrick Paillot, avant d'illustrer encore un peu plus son propos : "Il s'est mis à aller vite, à être puissant, tout en gardant son intelligence dans les déplacements et son côté malin". Au final, il remporte tout avec les jeunes pousses du centre de formation de Tola-Vologe en devenant Champion de France 16 ans, 18 ans mais aussi de L1 à quatre reprises. Seul regret : "les deux défaites en finales de Gambardella en 2005 et 2006", avoue l'entraîneur lyonnais. Dans sa carrière qui l'aura vu former de nombreux joueurs, dont Frédéric Kanouté pour lequel il a une tendresse particulière, Patrick Paillot estime qu'un joueur du talent de Karim Benzema, Lyon peut s'estimer heureux "d'en dénicher un tous les 25 ans". Surtout, mentalement, l'avant-centre tricolore a toujours été un redoutable compétiteur : "C'était un garçon à l'écoute, attentif, qui s'entraînait très correctement. Ce qu'il avait en plus, c'était cette rage de vaincre. Même pour un tennis-ballon, il exécrait la défaite."
En parallèle à sa formation dans le Rhône, Karim Benzema découvre l'univers des sélections nationales en 2004, sous la houlette de Philippe Bergerôo, alors en charge des U17 : "C'est René Girard qui m'en a parlé à son retour du tournoi de Montaigu. Il l'avait vu quinze minutes avec Lyon. Je cherchais un attaquant supplémentaire pour compléter mon effectif. J'ai décidé de le voir lors du stage préparatoire à Soulac". A ce moment là, il ne reste qu'une semaine de travail au sélectionneur avant de donner sa liste de joueurs à l'UEFA pour disputer le Championnat d'Europe de la catégorie en France. L'ancien entraîneur du Paris-SG est donc franc et direct avec sa nouvelle recrue : "Je lui ai simplement dit : "On ne se connaît pas mais j'ai envie de te voir à l'œuvre. Je ne sais pas si je te prendrai". C'était donc très clair entre nous". Au final, il n'aura pas fallu plus d'un après-midi à Karim Benzema pour séduire son nouveau sélectionneur : "Je faisais un travail de zone avec ma défense, très solide d'ailleurs (NDLR : Thomas Mangani, Maxime Josse, Karim El Mourabet, Steven Thicot). En très peu de temps, il me l'a fait "exploser". J'ai été obligé d'écourter l'exercice de peur qu'ils ne le blessent (rire)". Il se souvient avoir été notamment épaté par le jeu sans ballon de l'attaquant du Real Madrid : "Ce qui m'a étonné, c'est sa qualité de démarquage. Il savait toujours être au bon endroit. Il faisait énormément de fausses pistes, d'appels contre-appels, ce qui est asse rare chez les jeunes. Il était malin, sentait le jeu avant les autres, savait créer des brèches. Il était déjà très complet ".
Sans avoir disputé un seul match officiel avec les Bleus avant l'Euro, il fait donc partie de cette génération "87" qui ira remporter le tournoi face à l'Espagne (2-1) de Cesc Fabregas et Gérard Piqué à Châteauroux à la fin du mois de mai 2004. Bien que remplaçant, le Lyonnais a eu l'occasion de faire étalage de son talent dès que l'occasion s'est présentée : «A quinze minutes de la fin face à l'Irlande lors de notre premier match de poule, nous sommes à 0-0. Je le fais entrer. Sur son premier ballon, il fait un contrôle orienté de la poitrine et une frappe de volée qui trouve la lucarne !" se souvient tout sourire Philippe Bergerôo.
Ayant une promotion d'exception entre les mains, avec des joueurs tels qu'Hatem Ben Arfa, Jérémy Menez, Samir Nasri et donc Karim Benzema, le sélectionneur U19 actuel prédit un bel avenir à ses anciens protégés : "Il y a deux promotions qui éclosent au plus haut niveau : cette génération "87" et sa devancière, la "86", sacrée Championne d'Europe U19 en 2005 avec Hugo Lloris, Yoann Gourcuff ou encore Abou Diaby. Ils arrivent aujourd'hui à maturité et cela est de bon augure pour l'Equipe de France ".
Surtout, Philippe Bergerôo retient avant tout les liens humains qui se sont créés à cette époque entre les joueurs mais aussi avec le staff : "Ce sont des garçons attachants. Quand on a eu notre accident de bus en 2008 avec les U16 en Turquie, j'ai reçu beaucoup de messages de soutien de leur part. Ce sont des gestes qui comptent beaucoup pour moi. Ce titre a forgé une histoire commune entre nous. A 17 ans, ils ont gagné leur premier trophée. Il n'a pas de prix."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire