Doué, il joue seul. Tous les éducateurs ayant encadré une,équipe en école de foot se sont vus
confronter un jour à cette problématique: comment s'y prendre avec le joueur habile techniquement,
qui ne joue pas avec les autres? Face à une telle situation, 80, pour ne pas dire 90%,des encadrants
demandent à leur protégé, depuis la touche, de "lâcher le ballon", de "lever la tête" ! Ont-ils raison de le faire? Font-ils fausse route ?Tentative de réponse.
Terrain d'entraînement du Club Desportivo Nacional, l'île de Madère.
Nous sommes en 1995.
Derrière la main courante, les parents s'indignent: "qu'il donne son ballon un peu, il joue tout seul" !
Lui, c'est un gamin de 10 ans.
Il s'appelle Cristiano Ronaldo Dos SantosAveiro. Surdoué balle pied,il ne lui vient pas à l'idée de faire la passe alors qu'il sait pertinemment qu'il peut aller marquer.
Son éducateur le laisse faire, imperturbable.
Huit ans plus tard, le natif de Funchal rejoint Manchester United.
Il est déjà considéré comme l'un des meilleurs joueurs du monde. Son ancien éducateur, qui ne
cesse aujourd'hui de raconter cette anecdote, explique à qui veut l'entendre qu'il lui était "impossible de brimer un tel talent" !
Alors il l'a laissé jouer, s'amuser, s'exprimer.A-t-il bien fait? Et,plus généralement, quelle approche doit-on adopter face à un jeune joueur qui affiche une habileté technique au dessus de la moyenne, mais qui ne joue pas avec les autres?
"Il convient dans un premier temps de différencier le jeune joueur individualiste qui dribble jusqu'à perdre systématiquement la balle, de celui qui dribble et se montre décisif", fait remarquer très justement Bruno Bernardi, passé par le Standard de Liège,et qui a suivi, en Belgique, le diplôme de "Détecteur de jeunes talents". "L'approche ne sera pas la même", le premier devra rentrer dans le rang tandis que le second, "est un diamant à l'état brut" .
Et un diamant, ça se travaille. Mais pas tout de suite, à en croire tous les spécialistes, français ou étrangers,
que nous avons interrogé dans le cadre de ce dossier (voir par ailleurs).
que nous avons interrogé dans le cadre de ce dossier (voir par ailleurs).
>Différencier le jeune joueur individualiste qui dribble jusqu'à perdre systématiquement la balle, de celui qui dribble et se montre décisif
Il nous revient alors cette déclaration de Jean-Marc Berthaud, CTO de l'Ain de 1978 à 2010,dans le cadre d'un article sur les surdoués: "sous prétexte qu'un joueur sait tout faire balle au pied,on lui demande de jouer avec les autres.Je trouve que ce n'est pas lui rendre service. C'est lui faire perdre son envie de dribbler et de faire la différence. C'est aussi l'amener à jouer Contre-nature, à faire des passes que le jeu ne commande pas".
Avant 10-11 ans,le jeune footballeur entretient encore un rapport égocentrique avec le ballon. Les attaques rapides, les attaques placées, le jeu en construction, le-collectif. .. sont autant de notions qui n'ont pas (encore) de sens pour lui.
Son moteur, c'est le plaisir. Son plaisir.
Un postulat qui doit amener les éducateurs à suivre l'objectif suivant: entretenir ce plaisir - qui est source de motivation, de joie de vivre et de progression - tout en orientant le joueur, petit à petit, grâce à des jeux, des situations pédagogiques, à le "partager" avec les joueurs qui sont autour de lui. "Le déclic doit venir de son expérience,de ses erreurs, qui vont l'aider à se construire et à avancer, comme dans la vie en somme!", explique Jany Monetti, ancien formateur à Empoli (Série B).
Le fait de rencontrer plus de difficultés à passer dans les catégories supérieures,l'incitera par exemple à chercher d'autres solutions, plus collectives.
Pas question, donc, d'interdire à un joueur de dribbler,au risque qu'il perde cette qualité première.
>Des profils appréciés des recruteurs
Dans l'apprentissage du footballeur, il ya un temps pour tout.
C'est aussi le sens du discours de l'ancien pro Gérald Passi, devenu recruteur pour le compte de Villarreal (Liga) : "chez chaque individu, il y a une part d'inné et d'acquis.
Le joueur qui, dès son plus jeune âge,réalise des choses que les autres ne savent pas faire,pourra toujours apprendre,plus tard, à s'adapter à des concepts tactiques, collectifs, à dribbler uniquement dans certaines zones du terrain, etc ... L'inverse est beaucoup plus difficile !".
En effet, un joueur altruiste mais guère doué balle au pied, ne sera jamais lm grand technicien.
Ce n'est pas un hasard si tous les recruteurs s'accordent à dire que la technique est le premier des critères.
"À Lyon, on écumait les tournois en salle où il n'y a pas de véritable organisation.
C'est là qu'on pouvait voir la technicité et la créativité des joueurs", explique aujourd'hui René Duplessy,qui passa trente ans de sa vie à la pré formation de l'Olympique Lyonnais.
"Kanouté, Maurice, Grenier,Tafer ... ont été découverts comme ça" _Pour Vincent Cabin, chef de la cellule recrutement au centre de formation de l'AJ Auxerre, "un joueur capable de faire la différence balle au pied, même s'il est individualiste, ça m'interpelle, car il y en a de moins en moins".
>11 sera toujours temps, plus tard, d'apprendre au garçon doué techniquement de jouer avec les autres.
Même son de cloche, on se souvient, d'Albert Puig, responsable du football de base au FC Barcelone "nous recherchons en priorité le joueur qui ne fait pas ce qui est prévisible ( ... )
>11 sera toujours temps, plus tard, d'apprendre au garçon doué techniquement de jouer avec les autres.
Même son de cloche, on se souvient, d'Albert Puig, responsable du football de base au FC Barcelone "nous recherchons en priorité le joueur qui ne fait pas ce qui est prévisible ( ... )
Si un gamin de 10 ans a le talent pour dribbler facilement plusieurs adversaires, même s'il se montre individualiste,on le prend!
On considère qu'on aura le temps derrière de lui apprendre comment jouer avec les autres. Le plus important, au départ, c'est le talent,qui s'acquiert jusqu'à dix-onze ans".
Dont acte.
Qu'on se le dise :être capable, en école de foot,de dribbler fréquemment plusieurs joueurs est une qualité, et non pas une tare.
Et quand bien même le joueur en question se montre individualiste!
Tout juste doit-on être conscient que cette qualité devra, tôt ou tard, servir le collectif.
"Une fois arrivé au foot à Il ,il Yaura alors deux catégories de joueurs parmi ces individualistes doués balle au pied: ceux qui ont compris, qui mettent enfin leur talent au service de l'équipe et qui vont donc pouvoir poursuivre leur progression,et ceux qui n'ont pas compris et qui ne perceront jamais", explique]any Monetti. Il ya aussi une troisième catégorie de joueurs, dans laquelle entrent les Ronaldo,Robben,Neymar oU, plus proche de nous, BenArfa.
>Mis à part le joueur d'exception, passé 12·13 ans,
l'individualisme deviendra un sérieux frein à l'épanouissement.
Ce sont les joueurs qui ont percé au plus haut niveau sans jamais se départir de cette propension à l'individualisme.
René Duplessy, encore lui,se rappelle: "en équipe de jeunes,Ben Arfa jouait tout seul, mais faisait gagner des matches!
Alors certes, on essayait de lui faire prendre conscience qu'il devait entrer dans la norme collective, mais il fallait aussi lui laisser une certaine forme de liberté pour qu'il exprime son talent. Un talent qui arrangeait bien les entraîneurs. En quart de finale de la Ligue des Champions à Eindhoven (12 avril 2005, NDLR),Paul Le Guen le fait rentrer à dix minutes de la fin avec pour unique consigne de prendre le ballon et d'y aller tout seul! Au mieux, il pouvait marquer, au pire il provoquait un coup franc dont aurait pu bénéficier ]uninho ... ".Ces joueurs sont devenus des stars parce qu'ils ont des qualités hors norme. Mais pour les autres, tous les autres, passé 12-13 ans, l'individualisme (sur le terrain et/ou en dehors) deviendra un sérieux frein à leur épanouissement.
"On ne peut pas mettre en place un jeu collectif avec des joueurs qui ne le sont pas", dixit Christian Gourcuff .
"On ne peut pas mettre en place un jeu collectif avec des joueurs qui ne le sont pas", dixit Christian Gourcuff .
C'est aussi le message adressé par la DTN à travers ses nouveaux critères de sélection, qui prône aujourd'hui la "formation d'équipiers" pour ses futures sélections nationales .•
L'oeil du recruteur. Vincent Cabin est responsable de la cellule recrutement des jeune de l'Aj Auxerre.
lorsque je vois un jeune joueur capable de dribbler , cela m'interpelle, même si le joueur en question fait preuve d'individualisme. Ce type de profil m'intéresse parce qu'on en voit de moins en moins. Tous les joueurs que j'observe dans les différentes sélections de jeunes sont comme formatés. Ce sont tous les mêmes.
La première raison à cela, c'est qu'il n'y a plus de football de rue .
Auparavant, l,es enfants tapaient le ballon pendant des heures contre un mur ou avec un copain. Ils développaient très tôt leurs habiletés techniques et motrices. De nos jours , cela ne se voit presque plus!
Si l'Espagne a un temps d'avance, c'est aussi parce qu'elle a mis en places des "City stades" dans chaque ville. En F.rance i1 faudrait se pencher sérieusement sur la question ...
Si l'Espagne a un temps d'avance, c'est aussi parce qu'elle a mis en places des "City stades" dans chaque ville. En F.rance i1 faudrait se pencher sérieusement sur la question ...
Un joueur (comme Alain Traoré, n'a jamais appris à Jouer au foot Il s'est simplement exercé chaque jour sur les terrains vagues du Burkina-Faso, et a conservés sa technique.
L'autre raison qui explique à mon sens la raréfaction des joueurs créatifs, capables de faire la différence balle au pied est L'approche pédagogique qui est faite dans un certain nombre d'écoles de foot: dès qu'un enfant enchaîne deux dribbles, il se fait engueuler! C'est catastrophique ... C'est. comme lorsque je vois des éducateurs organiser des 7contre 7 sur un demi-terrain avec des enfants de 6 ans. Ils jouent un.ballon toutes les deux ou trois minutes! Ils jouent un.ballon toutes les deux ou trois minutes ! Or, on est sensé à cet âge mémoriser le jeu et la technique Faire des 2 contre 2 ou des 3 contre 3 me semble plus approprié, car 00-, touche le ballon souvent.
La progression, c'est la répétition l 'année dernière, à Auxerre, j'ai vu. Daniel Rolahd faire travailler lesU7 contre un mur" : intérieur pied droit,intérieur pied gauche contrôle orienté etc ..: Et en fin de saison, la progression de ces gamins était spectaculaire .
Et si, dans le lot, il y en a un qui dribble beaucoup en match il montre une certaine habilete dans ce domaine, quitte à se montrer individualiste, faut le laisse faire! Cette liberté d'expression est fondamentale. On aura le temps, après 15 ans de le sensibiliser sur la nécessité de mettre ses qualité,s au service du collectif .•
A SUIVRE .....................................................
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